L'Aïkido
est une Voie martiale fondée par Ueshiba Moriheï. Plus jeune des
disciplines majeures, son nom définitif ne fut adopté qu'en 1942 et
nombre de contemporains du Fondateur sont encore vivants, ses racines
restent toutefois obscures.
Osenseï Ueshiba Moriheï, Fondateur de l'Aïkido
Un créateur aux réponses approximatives, et un fils révisionniste
Ueshiba
Moriheï fut un adepte particulièrement médiatisé. Interviewé, filmé et
photographié à de très nombreuses reprises, il se garda pourtant
toujours de rentrer dans des détails factuels. Un observateur trouvera
même à plusieurs reprises des erreurs ou imprécisions, délibérées ou
non.
On peut en revanche affirmer que Ueshiba Kisshomaru,
fils du Fondateur et successeur à la tête de l'Aïkido, choisit
délibérément de réécrire l'histoire de la discipline. Mais il faut être
prompt à le blâmer, et il est important de remettre ses actes en
contexte.
Tout d'abord, et bien que cela n'absolve
rien, il n'a fait que suivre une longue tradition qui a le malheur de se
perpétuer aujourd'hui encore dans le monde martial. Par ailleurs il est
probable qu'il a agi, notamment en ce qui concerne le Daïto ryu, sur la
base d'informations partielles. On peut en effet supposer qu'il n'a eu
concernant Takeda Sokaku et ses demandes supposément déraisonnables, que
la version de sa famille et des élèves de son père. Enfin, il est aussi
probable qu'il ait considéré que le bénéfice du développement de
l'Aïkido pour le monde ait bien valu quelques arrangements avec la
vérité.
Aucun
des acteurs de ces accommodations avec la vérité ne pouvait toutefois
imaginer les progrès de la technologie, et l'intérêt de pratiquants
futurs venus de l'étranger pour les origines de la discipline. Car c'est
bien un pratiquant étranger, américain plus exactement, qui est la
source de l'essentiel de nos connaissances actuelles sur l'Aïkido. Stanley Pranin
consacra sa vie à aller à la rencontre de tous les acteurs de l'art
fondé par Ueshiba Moriheï. Sourd aux menaces et aux pressions, patient
et obstiné, il accumula précieusement une masse de documents et
d'informations qu'il n'eut de cesse de mettre à la disposition du
public.
C'est ainsi grâce à lui que nous savons que la source principale de l'enseignement technique de l'Aïkido est le Daïto ryu.
Stanley Pranin
Daïto ryu
Le
Daïto ryu, l'école de Takeda Sokaku, est la principale origine
technique de l'Aïkido. Parmi les différents courants qui composent cette
pratique, celui du Takumakaï
revêt un intérêt particulier pour les pratiquants d'Aïkido, parce qu'il
fut fondé par des élèves qui étudièrent à la fois avec Ueshiba Moriheï
et Takeda Sokaku.
Le Daïto ryu a, plus encore que
l'Aïkido, une tradition du secret, et ses origines restent aujourd'hui
encore polémiques. Ce qui est en revanche indéniable est que le cursus
de cette école était extrêmement proche de l'enseignement d'Osenseï.
Celui-ci décerna d'ailleurs pendant très longtemps des diplômes de cette
école à ses élèves.
Takeda Sokaku
Expérimenter son passé pour comprendre son présent
On
dit souvent qu'il faut étudier le passé pour connaître le futur. Nous
avons, en tant que pratiquants d'Aïkido, la chance exceptionnelle de
pouvoir faire mieux, en expérimentant la discipline à l'origine de la
nôtre.
Je l'admets, cela demande toutefois des efforts
très conséquents car il existe peu de dojos enseignant le Daïto ryu, et
encore moins d'enseignants de haut niveau. C'est pourquoi je suis
d'autant plus heureux et fier que Kawabe Takeshi senseï, instructeur en
chef du Daïto ryu Takumakaï, soit présent à la Nuit des Arts Martiaux Traditionnels ET à l'AïkiTaïkaï !
Kawabe Takeshi Daito ryu Takumakai (photo by Matthew Karas, courtesy of Yushinkan NYC USA)
Le professionnel du Daïto ryu
Kawabe
Takeshi est né le 2 août 1944 à Osaka. Il débute l'Aïkido à
l'université, et découvre la pratique du Daïto ryu avec Hisa Takuma,
l'un des élèves les plus célèbres de Takeda Sokaku. C'est toutefois
l'Aïkido qu'il continue d'abord à étudier pendant quatre ans sous la
direction de Kobayashi Hirokazu senseï.
Après un arrêt
de quatre ans lors de son entrée dans le monde du travail, il retrouve
le chemin des tatamis et reprend la pratique du Daïto ryu avec Hisa
senseï. Aujourd'hui 8ème dan et instructeur en chef du
Takumakaï, cumulant cinq décennies de pratique, Kawabe senseï est le
seul instructeur professionnel de l'école. A ce titre il enchaîne à un
rythme fou les déplacements au Japon mais aussi dans le reste du monde.
Kawabe senseï eut l'honneur de recevoir son nidan (2ème dan) en Aïkido de Ueshiba Moriheï, son nidan en Daïto ryu de Takeda Tokimune, le fils de Takeda Sokaku, son godan (5ème dan) et le Kyoju dairi (certificat d'enseignant/représentant) de Hisa Takuma, et son hachidan (8ème dan) de Mori Hakaru.
Daito ryu Takumakai Kawabe Takeshi (photo by Matthew Karas, courtesy of Yushinkan NYC USA)
Kawabe Takeshi à la Nuit des Arts Martiaux Traditionnels et à l'AïkiTaïkaï
Si
un certain nombre de spectateurs de la NAMT ne sont pas des pratiquants
et viennent exclusivement pour la beauté des pratiques présentées, ce
n'est pas le cas de la majorité d'entre eux. Adeptes des arts martiaux,
je sais que comme moi, si ils apprécient la "simple" observation des
démonstrations, beaucoup souhaitent pouvoir aller plus loin et pratiquer
avec les maîtres qu'ils ont vus en action. Et c'est ainsi qu'est né
l'AïkiTaïkaï.
Kawabe senseï donnera
deux cours exceptionnels lors de cette édition, le samedi matin et le
dimanche après-midi. Maître Kawabe sera notamment accompagné de Jean-Antoine Gonzalez,
l'un des huit non-japonais, et le seul français autorisé à enseigner le
Daïto ryu Takumakaï. Ne manquez pas de venir nombreux saisir cette
occasion unique de pratiquer pour la première fois en France avec un
maître du mythique Daïto ryu !
Omote
et ura possèdent de multiples applications et de nombreux niveaux de
lecture. Malcolm Tiki Shewan nous les dévoile à travers une présentation
de leurs kanjis et un parallèle avec les notions d'irimi et tenkan.
Omote to ura
Derrière tout ce que nous voyons il y a…
Le
pratiquant débutant en Aïkido est confronté le premier jour qu’il pose
un pied sur le tatami, à une quantité de termes venant du japonais dont
il n’a aucune notion de la signification. Le piège ici est - “la
traduction”… A savoir, trop souvent, on se contente d’une traduction
littérale des mots et, entendant ces mots (en
traduction) on comprend un sens (familier). Je dis bien “un sens” car,
en réalité, la véritable signification des mots est peut-être loin de sa
traduction littérale, ou, beaucoup plus vaste ou profonde que l’on
n’imagine en s’arrêtant là.
J’encourage toujours tout
le monde à faire des recherches approfondies du vocabulaire et des
calligraphies qu’on trouve dans le Budo. Parfois des gens, de longue
expérience même, n’ont pas poussé leurs recherches assez loin, ou, sans
le savoir, gardent très longtemps des sens incomplets voire faux. En
matière de langue japonaise on peut dire : “Ce qui est sûr est que rien
n’est sûr…”. Contrairement à notre habitude d’arriver à des définitions
précises, le Japonais, s’écrivant en idéogrammes, préserve “un sens
élastique” qui permet de déceler différents aspects dans la définition
issue du dit "pictographe". De surcroît, le sens voulu peut très bien
être une chose dans le contexte d’une école, et
autre chose dans un autre courant. Nous allons rencontrer ceci dans le
cas de omote/ura dans le contexte de l’Aïkido, et dans son utilisation
dans d’autres courants martiaux.
En matière de langue japonaise on peut dire : “Ce qui est sûr est que rien n’est sûr…”.
Omote et ura en kanji
Regardons, d’abord, globalement la signification de ces deux caractères.
Omote
- Dans la langue japonaise le premier sens de ce caractère est “devant”
ou “l’avant”; “la face”. Ce que l’on voit devant. L’extérieur des
vêtements, ce qui est sur la surface, ce qui est visible de toute
évidence, l’apparence. Par extension, ce mot peut indiquer une position
ou un point de vue officiel.
Omote
Ura
- Le premier sens de ce caractère est "intérieur" ou le "revers de la
face" - à savoir "ce qui est derrière". Ce terme est compris comme étant
"ce qui est caché" ou la face cachée et, par extension, il indique le
"vrai motif ou intention de quelque chose" - le sens caché.
Si omote peut être compris comme étant la surface, ura est ce qui est en dessous de cet aspect superficiel.
Ces
deux termes possèdent une relation yin/yang - c’est à dire, une
complémentarité opposée et c’est l’un qui crée l’autre… On considère que
dans le contexte de la compréhension de quelque chose il existe
simultanément ces deux aspects - omote/ura - qui complètent et font
naître un tout. Dès qu’il existe omote - il y a toujours ura. Par
conséquent, notre compréhension - d’un sujet, d’un concept, d’une
position, d’une action, d’une structure, d’une technique et ad infinitum
- n’est complète et entière que lorsque l'on a saisi totalement ces
deux sens ensembles.
Pour simplifier à l’extrême nous
pouvons prendre l’exemple de la pièce de monnaie avec pile/face ou la
lune avec sa face cachée. Qu’est-ce qui nous fait tant rire lorsqu’on
entend la phrase : “Il a coupé des tranches si fines qu’il n’y avait
qu’une face…” ? C’est cette évidence qui s’explique par omote/ura. Ce
qui nous intéresse ici est comment ces deux termes sont employés dans la
pratique de l’Aïkido et dans d’autres Arts Martiaux.
Que désignent omote et ura dans les cursus des traditions martiales ?
Le
sens premier de omote/ura que nous rencontrons dans le Budo concerne
principalement les aspects du curriculum ou de l’enseignement dans
certaines écoles. Souvent on est initié à une série de techniques dites
“omote waza”. Cet ensemble de principes est généralement enseigné d’une
manière qui cache leur vrai sens par moyen de modifications diverses -
ie. : ma-ai, cibles, intentions, rythme, vitesse d’exécution, noms,
situations, directions, applications, etc. Dans le même temps, ces
techniques subtilisaient, la plus part du temps, les principes
fondamentaux et plus importants du Ryu. L’idée de la série Omote
faisait, donc, en sorte que le pratiquant devait ‘creuser’ longtemps
pour mettre à jour lui-même le véritable sens de cet ensemble de
techniques. Plus tard et à son tour ce pratiquant comprendrait l’utilité
et la logique, lorsqu’à son tour, il devait assurer la transmission de
l’école. Ce qui est drôle de constater est qu’aujourd’hui le débutant
apprends belle et bien une quantité énorme de techniques de l’école sans
en être conscient de leur vrai sens et de leur importance - ces waza
sont souvent relégués aux “techniques basiques” et traitées comme si
elles était inférieures ou "seulement pour les débutants" et, au pire,
sont ignorées. L’élément positif (que l’on peut constater, donc,
aujourd’hui encore) est que cette formule réussi très bien a dissimuler
"les secrets de l’école". Ainsi ces techniques pouvaient être présentées
en publique sans crainte que l’intégrité du Ryu soit compromise. Ceci
était, en effet, un souci réel à l’époque où on pouvait être victime de
sa propre technique "volée" (mitori) par un ennemi astucieux. Omote
avait donc un sens hautement éducatif et formateur, mais en même temps
protectionniste, et fut aussi un moyen de tester la sincérité d’un
membre nouveau de l’école.
On trouve aussi tout
simplement une utilisation des termes omote et ura en tant que nom de
séries de kata. Par exemple, Shoden omote waza ou Omote no ken et ainsi
de suite. L’école de Shinto Muso ryu Jodo en est un excellent exemple.
La première série de kata qu’on apprend s’appelle “Omote waza” - Il y a
12 kata dans cette série, chacun avec son nom
propre. Lorsqu’on apprend, un certain temps plus tard, la quatrième
série - Kage waza - on découvre que les kata ont tous les mêmes noms et
qu’ils ressemblent tous à leur forme correspondante dans “Omote waza”.
Le mot “kage” désigne “l’ombre” et, dans ce sens, indique que ces
techniques sont les “ura waza” de la première série - une face cachée
des techniques que l’on connait depuis ses débuts dans la discipline !
C’est ici aussi que le vrai sens combatif de la technique est dévoilé.
Une
utilisation des deux termes - omote/ura - relativement simple et
compréhensible se trouve dans la nomenclature du sabre. Quand le katana
est porté dans la ceinture avec le tranchant vers le haut la partie
tournée vers l’extérieure est “omote” et la partie de la lame vers le
corps du porteur est “ura”. Le forgeron, par exemple, signe sur l’omote
et si on trouve une signature sur le ura cela peut indiquer que le sabre
fut conçu initialement comme un Tachi (qui est porté avec le tranchant
vers le bas). On peut noter que lorsque la personne dégaine son sabre et
prends une position de garde le “omote” de la lame est aussi le côté
omote de l’adversaire comme expliqué dans la prochaine paragraphe.
Cependant, je serai prudent avant de dire que ceci constitue plus qu’une
coïncidence…
Omote et ura en tant que repères spatiaux
La
prochaine situation où on rencontre l’utilisation des mots omote et ura
est lorsqu’on regarde son adversaire de face. S’il se tient dans une
position de garde comme chudan no kamae à droite - c’est à dire avec son
pied droit avancé et la main droite en avant - son côté gauche est
appelé “omote” (ceci est aussi “l’intérieure” de sa garde) et, à sa
droite, nous avons “ura”. On peut observer que d’attaquer son “omote”
nous amène à rentrer vers sa face devant et d’attaquer son “ura” nous
amène sur le chemin vers son arrière.
C’est dans cette
utilisation que nous retrouvons le sens appliqué, la plupart du temps,
dans les bases de la discipline d’Aïkido. Plus particulièrement quand
nous regardons l’ensemble des immobilisations (osae waza) - ikkyo,
nikyo, sankyo, yonkyo, gokyo, hiji gatame - nous voyons que la forme
omote rentre sur l’adversaire de face et la forme ura passe autour en
direction de l’arrière.
Il ne me semble pas que
l’intention ici est de dire que la forme ura est, en fait, le vrai sens
(caché) de la forme omote; ou que la forme ura représente un sens plus
combatif que son complément omote comme nous avons vus ci-dessus.
Je
pense que, dans l’Aïkido, nous employons omote et ura comme une sorte
d’expression pour yin et yang (in-yo) - deux aspects d’une seule et même
chose. On peut également observer qu’il existe des techniques qui, pour
des raisons de "logique d’application" (ri-aï), ont seulement une forme
ura ou seulement une forme omote (gokyo en est un exemple). Cependant,
ce qu’on ignore souvent est que dans omote et ura il existe forcément
une relation de “relativité” de l’un à l’autre à tout moment.
C’est
à dire qu’une technique - par exemple shomen uchi ikkyo - exécutée
d’une manière entrant diagonalement (sankaku) - ce que nous aurons
tendance à appeler ikkyo omote - sera clairement omote, par rapport à un
mouvement exécuté en passant à l’extérieure de l’adversaire tournant
vers son arrière, que l’on appellera ura waza. Cependant, quand je parle
de la relativité des termes omote et ura, il est possible d’exécuter
shomen uchi ikkyo sans sortir de la ligne d’attaque, quasiment en ligne
droite, et, dans ce cas, on peut considérer que shomen uchi ikkyo
chokusen est omote par rapport à shomen uchi ikkyo sankaku qui, lui, est
omote par rapport à shomen uchi ikkyo tenkan; et, de même, que shomen
uchi ikkyo sankaku est ura par rapport à shomen uchi ikkyo chokusen et
ainsi de suite…
Omote et ura en Aïkido
Je
crains que nous risquions de devenir trop compliqués ici avec une
conception plutôt simple. Donc, en Aïkido aujourd’hui, pour de raisons
de simplification, nous utilisons les termes omote et ura pour
distinguer deux aspects - entrée de face et entrée vers l’arrière de
l’adversaire - qui sont les deux forme fondamentales du curriculum à la
base. Mais, dés que l’on ne souhaite pas se limiter ou être prisonnier
d’un concept fondamentalement dualiste, la perception de la relativité
des deux concepts - omote/ura - permet de voir comment l’Aïkido est
techniquement illimité et constitue le chemin vers la “Liberté”.
Un
des problèmes que nous rencontrons dans les mots japonais utilisés dans
la nomenclature de l’Aïkido concerne le sens de omote/ura et celui de
irimi/tenkan. Souvent ces mots sont utilisés d’une manière
interchangeable voire égale. En effet, il y a beaucoup de similitude
dans le sens de ces quatre termes mais il y a des distinctions très
nettes aussi.
Pour mieux comprendre les différences et les similitudes, c'est un bon procédé de se référer aux kanji.
Irimi
est composé de deux radicaux qui veulent dire respectivement “entrer”
(iru) et “corps” (mi). Pris ensembles ils indiquent un sens de “rentrer
avec le corps” ou “rentrer dans le corps” etc. Globalement on peut dire
que cela veut dire de rentrer à l’intérieure de la sphère vitale de
l’adversaire. Je me souviens d’une discussion avec Chiba Kazuo senseï,
et il avançait l’idée que "irimi" voulait dire “Rentrer en se plaçant
par rapport à l’adversaire de manière que vous pouvez atteindre ses
centres vitaux sans pour autant que l’adversaire puisse en faire autant.”.
Ceci correspond à la conception de l’attaque que l’on trouve décrite
dans divers textes historiques militaires. L’implication ici est que
l’Art Martial est fondamentalement “irimi”.
“Tenkan”
est composé de deux kanji indiquant "tourner" ou "circulaire". En langue
japonaise on trouve souvent l’accouplement de deux kanji différents
mais signifiant presque la même chose - ceci est une manière de mettre
de l’importance sur le concept exprimé (c’est véritablement vrai !…).
Tenkan est, donc, un chemin détourné, laissant passer la force, pour
ultimement effectuer “irimi”.
Ainsi, en observant les
quatre termes omote/ura et irimi/tenkan on voit clairement des
différences mais, en même temps on comprend comment il peut y avoir une
confusion facile. Remarquez que si on ne se pose jamais la question il
n’y aura pas de confusion… et on peut continuer à utiliser ces termes
interchangeablement... bien sûr…
Une utilisation d’omote/ura que j’aime particulièrement est lorsqu’on décrit un phénomène différent mais complémentaire.
Par
exemple, la puissance – "chikara" (aka. "ryoku") peut être décrite
comme “omote chikara” et “ura chikara”. Le premier implique la force
musculaire, de taille, de poids etc. tandis que le seconde - ura chikara
- indique une force intérieure, une force cachée ou une force
spirituelle que l’homme possède en lui. En Aïkido nous l’exprimons sous
le terme kokyu ryoku - la puissance de vie, de la respiration, de
l’esprit… Tout le temps durant notre entrainement en Aïkido on nous
rappelle de ne pas chercher seulement dans la force extérieure, par la
musculature, par l’opposition de force etc. mais d’utiliser le Ki, autre
expression pour la force intérieure. L’erreur ici est de souvent faire
un rapport de "bon" ou "mauvais" et de condamner "l’utilisation de la
force" au lieu de voir la complémentarité d’omote/ura et de s’en servir
correctement dans chaque circonstance - bon et mauvais n’ont pas de
place ici.
Les techniques de l’Aïkido ont une
construction bio-mécanique extrêmement précise qui considère le corps
comme ayant des éléments "go" (solides, durs etc.) et "ju" (souples,
flexibles etc.) - L’architecture du squelette et la structure des
muscles, tendons, ligaments etc. Un mouvement du corps est toujours dû à
une contraction musculaire (les muscles ne peuvent que se contracter).
Cela veut dire que lorsque je ramène mes bras vers mon centre il y a un
certain jeu de muscles qui se contracte. Lorsque j’ouvre mes bras vers
l’extérieur dans le sens opposé il y a aussi un certain jeu de muscles
qui se contracte mais pas le même jeu… Bref, pour tout mouvement un jeu
de muscles est nécessaire ET le jeu opposé, mais complémentaire, devrait
être éduqué en sorte qu’il ne fonctionne pas en opposition du mouvement
exécuté - à savoir - parfaitement décontracté. Nous savons que souvent
notre incapacité de faire un bon mouvement est dû à des muscles
s’opposant à d’autres muscles dans le même temps. Sans aller plus loin
dans cette explication nous voyons les termes “omote kinniku” et “ura
kinniku” appliqués aux principes du mouvement du corps pour mieux
comprendre comment poursuivre son éducation méthodique et efficace
(kinniku veut dire muscle). Dans certains Budo la notion de développer
et renforcer “ura kinniku” est un aspect essentiel des niveaux
supérieurs.
Pour terminer cet excursion dans omote/ura
je voudrais signaler une autre chose qu’on peut observer lorsque ces
deux termes sont évoqués : comme ura représente le sens caché derrière
omote, on évoquera souvent l'omote d’une chose
en considérant ura implicitement. Puisque omote existe, ura aussi… et
ura étant le sens caché… va chercher!…
Daniel TOUTAINa suivi pendant 30 ans l’enseignement de trois grands Maîtres japonais, tous disciples du Fondateur de l’Aikido.
Elève de Masamichi NORO
sensei 7ème Dan de 1968 à 1978, Daniel TOUTAIN est devenu son premier
assistant entre 1976 et 1978. NORO sensei lui avait alors confié des
cours dans son propre Dojo situé à Paris. Masamichi NORO sensei était
arrivé en France en 1961 pour promouvoir l’Aikido en tant que
représentant officiel de l’Aikikai de Tokyo pour l’Europe et l’Afrique.
Masamichi NORO sensei s'est éteint le 15 mars 2013 à l'âge de 78 ans. VIDEO Noro sensei et Daniel Toutain
De 1978 à 1988, Daniel TOUTAIN a suivi l’enseignement de Nobuyoshi TAMURA
sensei, 8ème Dan, arrivé en France en 1964, lui aussi comme
représentant officiel de l’Aikikai de Tokyo pour l’Europe. Daniel
TOUTAIN a été son proche élève et partenaire pendant plusieurs années,
occupant auprès de TAMURA sensei les fonctions de Délégué Technique
Régional et Responsable Technique National au sein des fédérations
françaises d’Aikido (UNA et FFLAB). VIDEO Tamura sensei et Daniel Toutain
Durant cette période, Daniel TOUTAIN s’est également consacré à
l’étude du Iaï et a eu le privilège de recevoir pendant plusieurs jours
dans son Dojo parisien le grand Maître Ritsuke OTAKE senseide l’école « Katori Shinto Ryu » ainsi que Tsunemori KAMINODA sensei de l'école Shindo Muso Ryu Jodo, 8ème Dan de Iaïdo.
Ensuite, pendant quelques années, Daniel TOUTAIN s'est en même temps
consacré à l'étude du Wing Chun (boxe chinoise) auprès d’un Maître
chinois vivant à Londres.
Rencontre avec Maître Morihiro SAITO
De 1992 à 2002, il a été élève de Morihiro SAITO sensei 9ème Dan, effectuant des séjours de plusieurs semaines deux fois par an en tant qu’Uchideshi
(élèves interne) dans le Dojo du Fondateur à Iwama. Parallèlement il
suivait la quasi totalité des stages que dirigeait son Maître en Europe.
Daniel
TOUTAIN était 4ème Dan lorsqu’il est arrivé pour la première fois à
Iwama au Japon. SAITO sensei lui a décerné le 5ème Dan en 1994. Il lui a
également remis le Certificat 5ème niveau des armes de l’Aikido, niveau le plus élevé que délivrait SAITO sensei. En Mars 2002, il a reçu directement de Morihiro SAITO sensei le grade de 6ème Dan. Ce grade ayant été authentifié par l'actuelDoshu Moriteru UESHIBA, petit fils du Fondateur de l'Aikido, il est donc également titulaire du grade de 6ème Dan Aikikai de Tokyo.
Il a invité plusieurs fois son Maître en France lors de grands stages
internationaux, ainsi que dans son Dojo privé situé à Rennes à cette
époque. Cela a été l'opportunité pour un grand nombre de découvrir le
très haut niveau de SAITO Sensei.
Daniel TOUTAIN a désigné par "Fundamental Aikido" la transmission des
fondements techniques de l'Aikido du Fondateur transmis par ses
maîtres, en particulier par SAITO Sensei, afin de préserver les éléments
qui permettront à chacun de s’exprimer dans un Aikido libre et
personnel. Une façon de s’appuyer sur des repères rigoureux afin
d’évoluer sans perdre le sens profond de l’Aikido qui est une Voie
spirituelle. O Sensei Morihei UESHIBA définissait en effet l'Aikido comme étant l'union du monde matériel et du monde spirituel. "La Tradition, c'est ce qui, en s'appuyant sur les certitudes du passé, évolue en permanence" Jean Cocteau
Fût le très proche disciple du Fondateur de l’Aikido. Il passa en effet 23 ans, de l’âge de 18 ans à 41 ans, auprès de O Sensei Morihei UESHIBA
(1883 - 1969). Il a ainsi reçu un enseignement particulier tout au long
de ces années, ce qui est unique parmi tous les élèves du Fondateur. Il
était en effet considéré comme l’héritier technique de Maître UESHIBA,
notamment en ce qui concerne les armes de l’Aikido, l’Aikiken et
l’Aikijo que son Maître démontrait, mais n’enseignait pas en dehors de
son Dojo où il vivait à demeure à Iwama(petite ville située à 100 km de Tokyo).
Après la disparition de Maître UESHIBA en avril 1969, SAITO sensei eût la charge du Dojo d’Iwama ainsi que de l’Aiki Jinja, temple dédié à l’Aikido et construit à proximité du Dojo. VIDEO Iwama
MaîtreSAITO
a donc préservé intact l’enseignement de O Sensei UESHIBA dans le Dojo
d’Iwama où il recevait des professeurs et pratiquants venant du monde
entier pour se perfectionner à la source en tant qu’Uchideshi(élèves internes).
Le Fondateur lui délivra personnellement le grade de 8ème Dan, puis il reçu le grade de 9ème Dan de l’Aikikai de Tokyo, Centre mondial de l'Aikido dont il était un des plus hauts représentants. SAITOsensei a régulièrement dirigé
des stages dans plusieurs pays. Il est l’auteur de nombreux ouvrages,
en particulier d’une dernière série composée de six volumes et intitulée
« Takemusu Aiki ». Cette série a été co-écrite avec Stanley Praninde Aikido Journal qui diffuse également des vidéos de stages historiques dirigés par SAITO sensei. La traduction française de « Takemusu Aiki » a été faite par Daniel Toutain. Il est aussi possible aujourd’hui de visionner sur internet de nombreux documents vidéo montrant Maître SAITO. SAITO sensei s’est éteint à Iwama le 13 mai 2002.
Disparition de l'efficacité martiale de l'Aïkido en deux générations
Début des années 70. Alain présente son examen de nidan devant Tamura Nobuyoshi.
Vif et volontaire, ce svelte pratiquant déroule une belle partition.
Lors du travail au tanto, la voix de maître Tamura stoppe sèchement
l'examen. Le uke qui attaquait sans engagement est invité à se rasseoir
alors qu'il demande à un autre pratiquant, Yoshi,
d'attaquer Alain correctement. Yoshi jaillit comme un ressort et
attaque Alain avec toute l'intensité dont il est capable. La scène est
impressionnante.
Durant le travail au tanto Alain, bien que touché
quelques fois, aura fait face et su gérer la situation. Tamura senseï
lui décernera volontiers un grade bien mérité.
Février 2016. Adrien, l'un de mes élèves, passe son
sandan devant un jury de l'UFA. Lors du travail aux armes ses attaques
sont posées, mais réalisées sans appels. Il touche à plusieurs reprises
ses partenaires. Après une belle prestation, Adrien se voit décerner un
sandan. Plusieurs membres du jury lui font toutefois remarquer qu'il est
"trop martial", qu'il doit "aider ses partenaires en faisant des
attaques avec appels".
Ces deux anecdotes sont authentiques, et je n'ai changé
que les prénoms des protagonistes. La première m'a été racontée
séparément par Alain et Yoshi, qui sont aujourd'hui tous deux shihans 7ème dan, et qui m'ont rapporté la scène de la même manière. La seconde m'a été directement racontée par Adrien.
L'efficacité martiale est-elle nécessaire ?
Certains pratiquants défendent l'idée que l'efficacité
martiale de l'Aïkido est inutile. Si chacun est en droit d'avoir une
opinion, il m'apparaît toutefois que la nature même de l'Aïkido est ici
en jeu. Je suis profondément convaincu que l'Aïkido doit évoluer.
Néanmoins, plus qu'une évolution, il s'agit pour moi ici de l'amputation
d'un de ses fondements.
Si les nombreux récits des prouesses du Fondateur de
l'Aïkido et de ses premières générations d'élèves font occasionnellement
preuve d'imprécisions, ils prouvent néanmoins sans l'ombre d'un doute
l'efficacité martiale de leur pratique. Et il me semble fallacieux, même
si l'on n'est pas intéressé par ce type de capacité, d'imaginer que
l'on puisse atteindre la sagesse, qualité d'être, ou tout autre élément
qui nous inspire chez les maîtres dont on se réclame et s'inspire, en
vidant leur pratique de sa substance.
Les Budos peuvent nous amener à une meilleure qualité
d'être en développant nos consciences, et en nous débarrassant de nos
peurs. La première de ces peurs est celle pour notre intégrité physique.
Et bien qu'une pratique martiale soit liée à un contexte particulier,
une efficacité dans un domaine étudié aide à relativiser et dépasser
cette peur, permettant de travailler ensuite sur d'autres éléments.
Par ailleurs, outre le fait que l'aspect martial permet de
conserver une cohérence à la discipline, il permet aussi par son
exigence de pousser le pratiquant dans ses retranchements, et lui donne
ainsi des outils plus efficaces dans sa progression. Mais pourquoi et
comment cet aspect a-t-il été perdu de vue ou relégué au second plan ?
L'expression des dernières années d'un adepte
Malgré leurs évidentes spécificités, j'ai constaté de
surprenants parallèles chez la majorité des maîtres dont j'ai étudié le
parcours. En simplifiant à l'extrême, ils passent dans leur jeunesse par
des années de formation intensive durant lesquelles ils sont à la
poursuite d'une efficacité combattive. S'ensuivent quelques décennies
durant lesquelles ils effectuent leurs recherches tout en diffusant une
pratique où la martialité continue à s'exprimer de façon claire et
évidente. Enfin, généralement aux alentours de la soixantaine, chacun
consacre les années qui lui restent à travailler dans la direction qui
lui parle le plus. A ce stade les préférences deviennent de plus en plus
marquées, et les gestes vont par exemple, selon les inclinaisons de
l'adepte, d'une amplitude extrême à un geste à peine esquissé. C'est une
étape que seule la maîtrise de ces adeptes du plus haut niveau garde de
la caricature. Un moment où leur art s'exprime librement, sans filtres,
et apparaît dans toute sa pureté.
Mais c'est aussi le moment des plus grands dangers.
S'ils n'empêchent pas toujours leurs fidèles de les
imiter, et que certains de ceux-ci ont le niveau pour le faire de façon
juste, rares sont en revanche les maîtres arrivés à ce stade à demander
aux élèves de reproduire leurs formes. Ainsi, si ils sont évidemment
dans la justesse, on peut supposer qu'ils considèrent que l'expression
qu'ils proposent est un aboutissement sur lequel on peut difficilement
se reposer pour bâtir sa pratique.
Etrange situation où ce que fait le maître n'est sans
doute pas le plus indiqué pour les élèves des premiers niveaux. Est-ce à
dire qu'il y a une forme canonique commune à tous qui ne souffrirait
d'aucunes modifications et à partir de laquelle le reste se
développerait ? Je ne le crois pas. Alors à partir de quand les
changements dans l'expression de la discipline par le maître
deviennent-ils un frein au développement des bases ? La difficulté ici
est qu'il n'y a pas de réponse simple à cette question compliquée.
L'humanité avance parce qu'elle a soif d'amélioration,
pour soi comme pour son environnement et ses créations. Et la pratique
martiale peut profiter de cet élan.
Arrivé à l'hiver de sa vie, il se trouve toutefois un
moment où un adepte, consciemment ou pas, est plus soucieux de vivre son
art, de pousser l'utilisation de son outil dans ses retranchements les
plus profonds, que de l'améliorer. C'est l'instant où il devient le plus
fascinant à suivre, mais aussi où il est le plus dangereux de l'imiter !
Pourquoi l'efficacité martiale ne s'était-elle pas diluée dans les générations passées ?
Il y a beaucoup de facteurs qui ont permis aux pratiques
martiales de ne pas perdre leurs fondements guerriers au cours des
siècles. Au départ il y a eu pendant longtemps la menace réelle et
quotidienne de la nécessité de défendre sa vie sur un champ de bataille
ou au cours d'une attaque surprise. Nul doute que la cohérence martiale
était au cœur des préoccupations de chaque adepte lors de ces périodes
troublées.
Lorsque la menace se fit plus diffuse, le système de
transmission permit toutefois de se préserver de changements majeurs
brutaux et risqués. Le maître d'une école était assisté d'experts qui,
lorsqu'il prenait de l'âge, se chargeaient de l'enseignement au
quotidien. Il était alors libre, tout en restant à la tête de l'école,
de se consacrer à sa propre pratique, et pouvait se permettre le luxe
d'explorer et exprimer des niveaux de travail qui auraient échappé à des
pratiquants trop novices.
Les adeptes qui assistaient le maître assuraient donc
naturellement l'acquisition des fondamentaux de l'école aux pratiquants
moins expérimentés, et notamment une expression martiale plus évidente.
L'enseignement qu'ils transmettaient portait toutefois les améliorations
que leur maître pouvait y avait apportées après des recherches et une
réflexion poussées.
L'Aïkido suivit d'ailleurs pendant un certain temps un
système comparable. Que l'on pense par exemple à Osenseï qui était
entouré de nombreux experts jeunes ou dans la force de l'âge tels que Toheï Koichi,
Nishio Shoji, Saïto Morihiro, Saotome Mitsugi, etc… qui se chargeaient
de l'enseignement au quotidien. Nul ne niera qu'alors que le Fondateur
ne faisait souvent plus qu'esquisser un geste dont le sens échappait à
beaucoup, ils transmettaient une pratique dont la martialité ne faisait
pas le moindre doute.
Comment le système de transmission s'est-il effondré ?
Malheureusement durant les quarante dernières années, un
changement profond s'est installé subrepticement. Les adeptes
"intermédiaires", formés à une époque où la guerre et la confrontation
physique devenaient de plus en plus des constructions intellectuelles,
n'ont pour la plupart pas développé une capacité martiale à l'égale de
celle de leurs maîtres. Ecrasés par le statut d' "élève du Fondateur" de
leurs enseignants, parfois la race même de ceux dont ils devaient être
les relais, ils n'ont su pour la majorité se hisser à la hauteur de leur
tâche.
En conséquence, sans maillons intermédiaires, les
pratiquants ont reporté toute leur attention sur le "Maître".
L'affection naturelle que les élèves portent à leurs professeurs s'est
transformée en adulation, et les maîtres sont devenus des idoles.
Ainsi, alors que les maîtres mettaient pour la plupart
délibérément le "réalisme guerrier" de côté pour accentuer certains
principes qui leur tenaient à cœur, leurs gestes ont été considérés
comme le summum de l'efficacité martiale. Et leur pratique en est venue à
être considérée non pas comme une expression stylisée de leur art, mais
une sorte de gestuelle à l'efficacité magique.
Avec de moins en moins de géants pour les guider, et des
"experts" sans consistance au milieu, les pratiquants contemporains en
sont aujourd'hui réduits à imiter des expressions de pratique sans
finalité martiale, ou d'un niveau qui leur est totalement inaccessible.
Ils se rabattent alors en majorité sur des chorégraphies auxquelles ils
n'ont pas les moyens d'insuffler vie, et dans laquelle ils ne peuvent
trouver de logique combative.
C'est ainsi que l'on passe en quarante ans d'un examen où
l'on demande à un uke de retourner s'asseoir parce qu'il ne sait pas
attaquer, à une parodie où l'attaquant est réprimandé pour son manque de
complaisance…
Que faire ?
Il n'y a bien évidemment pas de solutions magiques. Tout
d'abord, il n'y a ici personne à blâmer. Comme de nombreuses illusions
collectives qui ont émaillées notre histoire, celles-ci sont le fruit de
notre soif d'absolu, de notre goût pour la magie et l'inexplicable. Et
il est vrai qu'il est doux de s'imaginer des vieillards à
l'extraordinaire efficacité, capables de se défaire de hordes de jeunes
hommes vigoureux. Malheureusement, si je n'ai aucun doute sur le fait
que les maîtres âgés conservent une potentialité martiale remarquable,
je n'en ai aussi aucun sur le fait qu'ils nous offrent autre chose de
bien plus précieux au crépuscule de leur vie. Et sur le fait que se
tromper sur la nature de ce qu'ils nous présentent est à la source de la
déliquescence de l'Aïkido.
L'Aïkido est une voie d'une extraordinaire richesse qui
évolue, et doit continuer à évoluer. Si ces changements me semblent
naturellement devoir impacter ses techniques, je pense qu'il faut être
très prudent dans la reproduction non sollicitée des formes des
dernières années des plus grands experts. En ayant constamment une
cohérence martiale en ligne de mire, en remettant en place les
différents échelons de la transmission, je suis confiant dans le fait
que nous pouvons redonner à l'Aïkido ses lettres de noblesse, et son
efficacité en tant qu'outil de développement humain.