Immobilisations de base


Le yoga version XXIe siècle : détente, luxe et beauté


 
Fini l’image baba cool-encens. Le yoga séduit des citadins aisés qui ouvrent leurs chakras dans des studios design et des tenues chics. Une commercialisation de la discipline aux antipodes de sa philosophie d’origine.
M le magazine du Monde | Par
Sibylle Grandchamp, fondatrice de Merveilles, organise une retraite « Yoga et randonnée » de quatre jours dans les Alpilles.
Sibylle Grandchamp, fondatrice de Merveilles, organise une retraite « Yoga et randonnée » de quatre jours dans les Alpilles. | FRANKIE & NIKKI POUR M LE MAGAZINE DU MONDE
Vous vous dépliez et, allongé sur le tapis, vous n’entendez que votre souffle et celui de votre voisin, que vous connaissez à peine, mais dont vous percevez les moindres tressaillements. La voix claire et profonde de Tatiana Burstein vous parle de vos mouvements, de vos expirations, de vos inspirations. Et doucement, vous ouvrez les yeux, vous étirez vos bras, vos jambes, vous revenez au monde et à cette immense pièce au dallage de pierres et aux grandes fenêtres donnant sur le jardin et, au loin, sur la plaine d’oliviers. Vous êtes au Hameau des Baux. C’est un hôtel de luxe. Confortable, beau, calme et silencieux. Et, très chic, sa réception ne s’ouvre pas sur un de ces halls à la luminosité insupportable, mais sur une librairie des éditions Actes Sud. C’est ici, au cœur des Alpilles, que les clients des Merveilles, « plate-forme de voyages d’exploration intérieure », ont posé leurs bagages pour une retraite de quatre jours.
Retraite haut de gamme, loin des ashrams
Quelques jours auparavant, dans le 2e arrondissement de Paris, sous les grands ventilateurs de style colonial aux pales arrondies du café du Klay, le club de sport pour happy few de la rue Saint-Sauveur où elle a ses habitudes, Sibylle Grandchamp, la fondatrice des Merveilles, nous racontait la genèse de ce projet en sirotant son jus carotte-pomme-gingembre. C’était il y a deux ans. Elle quittait un poste de journaliste lifestyle (mode/luxe/beauté/tourisme). « On peut se cacher des choses à soi-même dans le monde de la mode. On s’achète un nouveau sac, on utilise un nouveau crayon… J’avais perdu la sensation de mon corps. »
En se remettant au yoga de manière soutenue, elle « respire » enfin, retrouve son souffle et sa sérénité. L’idée des Merveilles fait son chemin : des retraites très haut de gamme mêlant yoga, marche, méditation et philosophie dans des lieux époustouflants. Ici, pas question de jeûner ou de boire du bouillon. Au menu...

Les techniques emprisonnent, les principes libèrent


leotamaki.com

Les traditions martiales se transmettent à travers des formes. D'où qu'elles viennent et de tous temps. Si l'une des modes actuelles est à la prétendue absence de techniques, formalisme et rituels, même une observation superficielle permet de constater qu'il n'en est rien. Oui les coutumes peuvent prendre d'autres formes, oui l'enseignement technique peut être limité et ouvert, mais tous ces éléments restent présents. Car si les principes représentent le fond, ils ont besoin du support que sont les techniques pour être transmis. Le danger à éviter est d'en rester prisonnier.
Kono Yoshinori (photo Hélène Rasse)
Kono Yoshinori (photo Hélène Rasse)
Prisonnier de la technique
Les traditions martiales japonaises se sont, probablement plus que toutes autres, reposées sur des formes, katas, pour transmettre des savoir-faire. Et cette façon de faire a prouvé son efficacité à travers le temps. Non parce qu'elle était la meilleure. D'autres limitant l'importance des formes ont passé l'épreuve des siècles et prouvé que la proportion des ingrédients pouvait être variable. Simplement, bien comprise, cette méthode de transmission fonctionne. Point.
Mais toute la difficulté est de comprendre comment fonctionne cette méthode, car une mécompréhension dans le domaine de la pratique martiale peut nous amener à développer un sentiment de compétence dans le combat qui peut nous être très, très dommageable. Avant tout il convient de comprendre que la maîtrise technique n'est PAS le but de la pratique martiale. C'est un simple moyen d'intégrer les principes qui sont l'essence de l'école/art que l'on étudie.
Hino Akira (photo Hélène Rasse)
Hino Akira (photo Hélène Rasse)
La situation martiale est imprévisible. Et elle l'était d'autant plus à l'époque des bushis qui cachaient jalousement leurs techniques. En raison de leur efficacité naturellement, mais aussi car il est beaucoup plus difficile d'agir efficacement face à une situation inconnue, à des mouvements ne faisant pas partie de notre champ d'expérience. Que l'on se souvienne de la supériorité temporaire mais écrasante des Gracie lorsque leur méthode était inconnue ! Aujourd'hui le Jujitsu brésilien est reconnu comme une méthode de combat efficace avec ses spécificités, ni plus ni moins que les autres. Simplement elle avait un avantage phénoménal lorsqu'elle était méconnue de la concurrence.
Le combat de survie où tout est permis étant par définition un saut dans l'inconnu (le combat rituel est une toute autre histoire que je n'aborderai pas aujourd'hui), aucun catalogue technique ne pouvait prétendre à présenter des solutions pour chaque situation, leur nombre étant sans limite. Le cursus d'une tradition martiale visait donc à sélectionner un ensemble de situations génériques qu'il convenait ensuite d'explorer, creuser, triturer pour se l'approprier. Se limiter à répéter ad nauseam un "programme officiel" est ainsi le plus répandu des culs de sac des Budos / Bujutsus. Etre prisonnier de la technique, c'est rester bloqué à la première étape de la transmission shu / ha  / ri, celle de la copie. Celle de l'enfant qui imite son père.
Kuroda Tetsuzan à la NAMT, Nuit des Arts Martiaux Traditionnels
Kuroda Tetsuzan à la NAMT, Nuit des Arts Martiaux Traditionnels
Pourquoi le kata
Les traditions martiales japonaises s'appuient sur des katas. Ces mouvements uniques (Judo, Aïkido, …) ou ces enchaînements de techniques (Kenjutsu, Jujutsu, …) réalisés par de véritables experts démontrent une efficacité incroyable. Malheureusement ils ne fonctionnent que de façon très superficielle si ils ne sont pas sous-tendus par une modification de l'utilisation du corps. C'est pourquoi même si le nombre de formes qui composent le cursus d'une école est limité, il est essentiel.
Dans les Koryus les katas étaient enseignés dans un ordre très précis, mettant l'adepte face à des difficultés croissantes. L'élève ne se voyait d'ailleurs enseigner les étapes suivantes que si il avait surmonté les difficultés des précédentes, et intégré les subtilités qui les rendaient efficientes. Les armes étaient enseignées dans un ordre défini, de même que les katas. Un kata supérieur n'avait pas plus de chance d'être réalisé par un pratiquant n'ayant pas maîtrisé les fondamentaux, que la théorie de la réalité d'être comprise par quelqu'un qui ne maîtrise pas les additions et soustractions.
Akuzawa Minoru (photo Pierre Sivisay)
Akuzawa Minoru (photo Pierre Sivisay)
Dans certaines écoles tous les principes étaient présents dès le départ mais à des niveaux "basiques", tandis que d'autres les révélaient au fur et à mesure. Le point commun était la progressivité de l'enseignement. A ce titre on ne peut que déplorer le choix de maîtres qui, pour des raisons financières ou de préférence personnelle, enseignent les formes à des pratiquants qui n'ont pas maîtrisé les niveaux antérieurs, soit font travailler les katas dans un ordre totalement aléatoire. Leur vision à court terme représente une menace pour la survie de leur école car ses pratiquants sans maîtrise ne sont plus capables de démontrer la moindre efficacité, et ils font en outre courir un risque aux élèves qu'ils entretiennent dans l'illusion.
Tamura Nobuyoshi
Tamura Nobuyoshi
Aïkido et Daïto ryu
Si l'Aïkido puise ses racines dans plusieurs écoles, la majeure partie de son catalogue technique est issu du Daïto ryu. Cette école mystérieuse fondée par Takeda Sokaku, a pour caractéristique d'avoir un catalogue technique plus qu'étendu, dont de nombreuses formes semblent avoir été créées pour illusionner les pratiquants. Si j'aborderai ce sujet dans un article à part entière, je me contenterai d'indiquer que :
-cela ne remet en aucun cas en cause la valeur de l'école,
-cette opinion est le fruit de réflexions et d'échanges avec de nombreux experts de Daïto ryu et de chercheurs sur cette discipline,
-si peu prennent le risque de le dire à voix haute, beaucoup en privé et même aux plus hauts niveaux du Daïto ryu l'évoquent.
Ueshiba Moriheï opéra dans son enseignement un retour aux sources dans le sens où il épura le catalogue du Daïto ryu de mouvements farfelus, et transmis un cursus restreint comme dans les Koryus. Charge aux pratiquants, comme à l'époque des Bushis, de se l'approprier en l'explorant après en avoir maîtrisé les fondements. Restent toutefois les écueils de l'ordre dans lequel les techniques doivent être étudiées, de la définition des principes et stratégies transmis, etc. Les pratiquants d'Aïkido et Daïto ryu ont ainsi entre leurs mains un trésor à l'état brut… qui ne permet rien s'il n'est purifié, raffiné. Une tâche titanesque.
Ueshiba Moriheï, uke Tamura Nobuyoshi
Ueshiba Moriheï, uke Tamura Nobuyoshi
Explorer pour se libérer
Le catalogue technique est donc l'outil qui permet de se confronter aux énigmes corporelles qu'est l'efficacité extraordinaire des grands adeptes. Un véhicule nous permettant d'accéder aux principes qui, seuls, sont garants d'une évolution, et donc efficacité, profondes. Malheureusement trop d'adeptes des traditions martiales japonaises, en particulier de l'Aïkido, se contentent de répéter le catalogue de leur école comme des hamsters courant dans une roue.
L'époque est à la simplification. Ce qui est simple se comprend aisément, mais peine à retranscrire la réalité complexe de notre monde. Et l'absence de nuances polarise, donnant naissance dans les domaines les plus divers à un intégrisme déplorable synonyme de régression. Et la pratique martiale n'y échappe pas. La mesure est essentielle. Dans la culture guerrière japonaise paradoxale, les Budos / Bujutsus s'appuient sur le carcan de la technique pour amener l'adepte à la liberté, la spontanéité. Mais tous n'arrivent pas à s'en libérer…
Les techniques emprisonnent, les principes libèrent
Les techniques emprisonnent, les principes libèrent

Iaito ou katana ?

 
Avec quelle arme peut-on pratiquer le iaido Iaito (sabre d’entraînement non tranchant) ou katana (sabre en acier tranchant) ?

Le iaito

L’origine du iaito est assez récente et remonte aux années 1960. Son invention fait suite aux lois interdisant le port d’arme au Japon et restreignant drastiquement la fabrication des katana. C’est dans la région de Fukuoka que naît le premier iaito. Il est composé d’une lame en alliage, solide et non aiguisable. Après des années de recherche et de travail, le iaito est aujourd’hui une réplique de grande qualité d’un katana. Seul la lame en alliage d’aluminium moulé diffère pour s’adapter à la réglementation nippone.
Toutes les lames proviennent de la même fonderie, dans la région de Gifu. Après avoir été fondu, la lame brute est ensuite polie à l’aide de meules et poncées à la main. La lame est ensuite chromée, ce qui la protège des rayures et de la rouille. Enfin, le hamon (ligne de trempe) est réalisé par dépolissage au papier de verre.
Les lames des iaito sont standardisées ce qui permet de disposer d’un stock prêt d’avance. Une telle arme coûte entre 200 et 1000€ selon la commande, bien moins qu’un katana que l’on trouve rarement en-dessous de 1 000€ et dont le prix peut monter très haut. La lame étant chromée, celle-ci est protégée de la rouille.

Le katana

Le katana est le sabre traditionnel en acier utilisé par les samourais et les bushis au Moyen-âge. Considéré comme « l’âme du samourai », le katana est devenu un objet mythique tant pour les Japonais que pour les Occidentaux. De très grande valeur, il est l’objet qui permet de défendre sa vie sur le champ de bataille ou lors de duels. À partir de l’ère Edo cependant, période du Japon unifié, les sabres fabriqués ne sont généralement plus destinés au combat et nombre d’entre eux constituent des sabres d’apparat, tranchants certes, mais dont la plupart n’a jamais servi.

Notre pratique au Meibukan

Au dojo, les débutants commencent leur apprentissage du iaido avec un iaito. Moins cher, parfois plus léger et donc plus maniable, et surtout non tranchant, le iaito constitue une arme parfaite pour débuter. Il permet d’apprendre sans couper son saya (fourreau) et sans se trancher les doigts au passage…
Dès que le niveau le permet, les élèves de l’école pratiquent avec des gendaito ou shinken, c’est-à-dire des sabres modernes en acier, aux lames aiguisées. Nous ne pratiquons pas avec des katana anciens, témoins du passé à conserver précieusement pour ne pas risquer de les abîmer.
La pratique avec de vrais katana, et non avec des iaito permet une pratique au plus près de celle des samourais. La lame tranchante demande une grande rigueur et une précision accrue dans sa pratique pour préserver son fourreau et ses doigts. De plus, une lame en acier demande un entretien minutieux pour empêcher la rouille d’attaque la matière. Cet entretien peut être vu comme une contrainte, mais également comme un instant agréable où l’on prend le temps de se recentrer sur l’arme et moins sur la pratique, et où l’on peut admirer la lame et le travail incroyable de forge, de polissage, de trempage, etc.

Boxe : pas de miracle pour Carlos Takam face à Anthony Joshua

Samedi soir, le Franco-Camerounais affrontait à Cardiff la star des poids lourds avec l’espoir de devenir champion du monde. L’arbitre a arrêté le combat au 10e round.
Carlos Takam (à gauche) a tenu dix rounds face à la terreur Anthony Joshua qui a gagné tous ses combats par KO.
Carlos Takam (à gauche) a tenu dix rounds face à la terreur Anthony Joshua qui a gagné tous ses combats par KO. ANDREW COULDRIDGE / Action Images via Reuters

Carlos Takam s’attaquait à un monument samedi 28 octobre au Principality Stadium de Cardiff (Pays de Galles). Le boxeur franco-camerounais de 36 ans, inconnu du grand public, défiait le poids lourds anglais Anthony Joshua, star du noble art et détenteur de trois ceintures mondiales (IBF, WBA, IBO, trois fédérations de boxe). L’arbitre a arrêté le combat à la 10e reprise, validant la 20e victoire par KO en 20 combats pour le Britannique.

Compte tenu des circonstances, la performance de Takam reste remarquable. Il a remplacé au pied levé le challenger programmé de Joshua, le Bulgare Kubrat Pulev, officiellement blessé à l’épaule. Avec seulement douze jours de préparation chez lui à Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis), Takam a tenu dix rounds face au champion olympique 2012. Une seule des dix-neuf victimes précédentes de Joshua y était parvenue et pas n’importe qui : Wladimir Klitschko, géant de la discipline mis K.O à la 11e reprise en avril.

Blessé à l’arcade

Joshua, soutenu par le footballeur Zlatan Ibrahimovic, venu le saluer dans le vestiaire, ou encore par le maire de Londres Sadiq Khan qui l’a encouragé sur Twitter, avait aussi les 70 000 spectateurs de son côté. Il a contrôlé l’affrontement, touchant Takam à l’arcade dès la 4e reprise. Le Franco-Camerounais, envoyé une fois au tapis, a tenu le choc mais devant le sang qui coulait de sa blessure et les coups encaissés, l’arbitre a décidé d’arrêter le combat, à la grande colère du clan français. Le boxeur né à Douala peut se consoler avec la bourse la plus garnie de sa carrière.
« L’arbitre m’a stoppé, je ne sais pas pourquoi », a regretté Takam au micro de SFR Sport. « J’étais en train d’esquiver, je ne sais pas. S’ils m’avaient arrêté, car le docteur a dit que je me suis coupé, j’aurais pu comprendre... », a ajouté le boxeur dont le courage a été salué par son adversaire et le public.

19è siècle... les derniers samouraïs !


Le temps des samouraïs est révolu depuis longtemps. Mais ces guerriers japonais ont laissé derrière eux une légende bien vivace… et quelques photos d’exception ! A la fin des années 1800, les derniers samouraïs ont en effet vécu les premières heures de la photographie… et les images qui en résultent sont fascinantes.
Pendant près de 700 ans, les guerriers samouraïs ont dominé la société japonaise. Leur règne sans partage sur l'empire féodal du soleil levant ne s’est éteint qu’à la fin du 19è siècle avec, sous l’ère Meiji, la création d’une armée nationale de type occidental.
Aujourd’hui, pour se replonger dans la passionnante histoire des samouraïs, il reste bien entendu les livres d’histoire et les dessins d’autrefois… mais il y a aussi les photos de ces derniers représentants d’une classe guerrière.
Témoins malgré eux de la fin d’une époque glorieuse, on les observe portant fièrement leurs armures, leurs katanas, leurs tatouages et leurs coiffures… Des photos magnifiques.
Source : Universal history archive
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Source : Felice Beato
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Source : Kusakabe Kimbei
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Quand l’histoire se mélange à l’art photographique et à la découverte d’autres cultures, ça ne peut que susciter quelques émotions. Superbe !
Pour ceux qui veulent aller plus loin sur le sujet :
Derniers témoins d’une époque, 20 samouraïs posent face aux premiers appareils photos du Japon.

Onna-bugeisha, les femmes japonaises pouvaient aussi être samouraïs !



onnabuL'image que l'on a de la femme japonaise est souvent la même : une silhouette élégante, enveloppée dans un kimono épais qui l'oblige à marcher à tout petit pas. Un visage de nacre, entièrement recouvert de blanc à l'exception des lèvres peintes dans un rouge vif et des yeux cernés de charbon noir qui intensifie le regard et donne à l'ensemble une aura quasi-divine. On imagine une geisha raffinée qui sert le thé, joue du koto, fait la conversation ou une femme au foyer qui s'occupe des enfants, attend sagement son mari et lui sert le repas lorsqu'il rentre d'une journée de travail épuisante.

Comme dans beaucoup d'autres sociétés, la femme japonaise a très peu eu l'occasion de se démarquer des hommes. Reléguées au second plan des livres d'histoire, dévalorisées, la femme japonaise ne semble avoir d'autres choix que de briller d'un faible éclat dans l'ombre des hommes qui se glorifient au travers des images de faits de guerre ou autres aventures trépidantes.
Pourtant, une poignée de femmes a fait fi de leur genre et a pris les armes. Au Japon, elles sont bien connues, mais en occident on entend rarement parler d'elles. Il est temps de combler cet injuste oubli de l'histoire japonaise que sont les onna-bugeisha.  

Les onna-bugeisha : armes et talents  

Les onna-bugeisha étaient entraînées pour utiliser le naginata, une arme iconique de cette période. La version du naginata utilisée par les femmes guerrières était connue sous le nom de "ko-naginata", un peu plus petit que le "o-naginata" utilisé par les hommes. Elles utilisaient aussi des kaiken, un petit sabre qui ressemble fortement à un couteau ou une dague.
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Naginata
Habituellement, le kaiken était utilisé pour se défendre dans des endroits étroits et confinés où les mouvements de la guerrière sont limités, mais aussi en cas de suicide. Il était traditionnel qu'une onna-bugeisha porte toujours un kaiken sur elle lorsqu'elle se déplaçait en compagnie de son mari. 

Kaiken
En terme de technique, les femmes samouraï maîtrisaient le Tantôjutsu, un art martial auquel elles s'entraînaient depuis leur plus jeune âge et qui existe toujours aujourd'hui.
On attendait des onna-bugeisha qu'elles soient capables de défendre le foyer et la famille des jours durant s'il le fallait, c'était leur rôle principal. Leur entraînement leur permettait donc de se battre sans relâche pour remplir leur devoir.  

Le début des onna-bugeisha

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Impératrice Jingu
La première onna-bugeisha connue serait l'impératrice Jingu. Après avoir provoqué des changements économiques et sociaux dans la société japonaise, elle aurait conduit l'invasion de la Corée vers l'an 200 auprès de son mari l'empereur Chuai. La légende raconte qu'elle aurait conquis la Corée sans verser une goutte de sang. Il est tout de même important de noter que son existence est sujet à controverses, néanmoins, ce sera la première femme à figurer sur un billet de banque japonais en 1881 !

Tomoe Gozen
Entre 1180 et 1185, le Japon était déchiré par une guerre intestine qui opposait les deux grands clans de Minamoto et Taira : la guerre Genpei. Celle-ci se termina par une victoire du clan Minamoto et marqua le début de l'ère Kamakura. Cette guerre est contée dans le célèbre ouvrage de la littérature classique japonaise : le Heike monogatari. Dans ce dernier, on nous raconte l'histoire de Tomoe Gozen, une très célèbre onna-bugeisha. 
Elle était décrite comme étant dotée d'une intelligence, d'une beauté et d'un talent incomparable. Maniant l'arc avec talent, c'était une très bonne cavalière, une excellente politicienne et elle maîtrisait également le Katana à la perfection. Son habileté au combat faisait d'elle l'égale des plus grands samouraïs hommes de son temps et ses prouesses en tant que général étaient reconnues à travers tout le Japon. Le maître du clan Minamoto disait même d'elle que c'était le premier vrai général du Japon.
Tomoe Gozen s'est illustrée au combat de nombreuses fois. Elle aurait guidé une armée de seulement 300 samouraïs contre 2000 guerriers et fut l'une des cinq derniers survivants de la bataille. En 1184, durant la bataille d'Awazu, elle décapita un célèbre guerrier du clan Musashi, Honda no Moroshige, après avoir remporté la victoire.
Elle aurait également fondé sa propre école pour apprendre aux femmes à se battre. Même si son sort durant la bataille d'Awazu reste flou, l'histoire de Tomoe Gozen a traversé les âges et reste célèbre encore aujourd'hui. Elle est devenue un véritable phénomène culturel et est le symbole de la force des femmes samouraïs.
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Hangaku Gozen
En 1201, une autre femme samouraï s'est faite une bonne place dans l'Histoire japonaise : Hangaku Gozen, une belle et talentueuse commandante qui dirigea une armée de 3000 hommes pour défendre le fort de Torisakayama avec son neveu Jo Sukemori. Malheureusement pour eux, le camp d'en face, Hojo, les dépassait largement en nombre, puisqu'il était fort de 10 000 hommes. A dos de cheval et armée de son ko-naginata, Hangaku fut blessée durant la bataille, mais sa férocité impressionna tant ses adversaires que nombre d'entre eux la demandèrent en mariage. 
tomoe
Entre le 15ème et le 17ème siècle, durant la période Sengoku, l'image de la femme samouraï changea considérablement. En fait, c'est le statut entier de la femme qui changea à cette période du fait de la philosophie Néo-Confucianiste. Durant ce temps, les femmes samouraïs étaient le plus souvent les épouses ou les filles de nobles guerriers ou généraux. Mais ces hommes étaient devenus de simples bureaucrates et les femmes de ces nobles familles subissaient de sévères restrictions.
Pour faire court, durant ces deux siècles, la femme n'avait pas plus d'autorité ni de droits qu'un petit enfant. Elles devaient une obéissance et une dévotion totale à leur époux et ne pas hésiter à se sacrifier pour l'honneur de la famille. 

La fin du Shogunat et les dernières onna-bugeisha 

Cependant, au milieu du 17ème siècle, la situation changea de nouveau pour les femmes guerrières. Avec la venue du Shogunat Tokugawa, on trouva de nouveau utile d'armer et d'entraîner les femmes au combat. Des écoles de maniement du naginata pour femmes ouvrirent dans tout l'Empire et le nombre de femmes en capacité de combattre augmenta considérablement ! 
Durant une courte période, les femmes devinrent les gardiennes de leurs villages, les protégeant au prix de leur vie. Ces femmes guerrières se déplaçaient en bande et s'occupaient des menaces elles-même, loin de la domination des hommes de ces derniers siècles. Vers le 18ème siècle, le clan Tokugawa s'opposa à l'Empereur. En réponse à cette menace, un corps d'armée de femmes fut créé et c'est Nakano Takeko qui en prit le commandement. 
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Nakano Takeko
Très intelligente, et douée au maniement du ko-naginata, Nakano Takeko est donc choisie pour être le leader de l'armée de femmes que l'on nommait Joshitai. Son armée était indépendante des autres, mais devaient joindre celle des samouraïs hommes durant la bataille d'Aizu (sans se mélanger car il était hors de question de mêler les hommes et les femmes au combat). Nakano Takeko fut malheureusement tuée au combat, touchée en plein cœur, mais elle eut tout de même le temps de tuer un nombre considérable d'adversaires avec son ko-naginata.
Juste avant de mourir, la femme guerrière demanda à sa soeur, Nakano Yuko de la décapiter afin que l'ennemi ne se serve pas d'elle comme d'un trophée. Sa tête fut enterrée dans les racines d'un pin au temple Aizu Bangemachi où un monument a été érigé en son honneur.
Cette bataille qui a marqué le début de l'ère Meiji sonna la fin du Shogunat, mais aussi celui des onna-bugeisha ! 
mononoke
Si la société japonaise semble assez en retard sur le sujet de l'émancipation de la femme, l'Histoire nous rappelle tout de même que l'univers des samouraïs n'était pas seulement réservé aux hommes ! Aujourd'hui, ces onna-bugeisha sont devenues le symbole de la place qu'occupait la femme japonaise jadis. Les onna-bugeisha inspirèrent également de nombreux artistes de la pop culture japonaise. On peut citer par exemple la Princesse Mononoké, mais aussi la plupart des personnages féminins de l'univers d'Hayao Miyazaki qui sont souvent forts et indépendants comme l'étaient ces femmes guerrières inspirantes. 

41 500 estampes et 1100 livres numérisés retracent l'histoire du Japon


actualitte.com

Cet été, la bibliothèque anglaise Freer|Sacker Library s’est trouvé une belle occupation : numériser et mettre en ligne gratuitement sur son site internet plus de 1100 livres et 41500 images japonais, datés des années 1600 à 1912. Elle retrace ainsi une partie de la riche histoire du Japon. 


View of Mt. Fuji de Fugaku Hyakkei

Les 1100 livres et 41500 estampes qui appartenaient au collectionneur Charles Lang Freer, industriel et collectionneur d'art au 19e siècle, se trouvent en ligne, sur le site internet de la Freer|Sacker Library. L’accès est gratuit. Le projet a été financé par le fonds Anne Van Biema, chargé de promouvoir les arts visuels japonais.
Les livres ainsi que les images datent des époques Edo (1600-1868) à Meiji (1868-1912). Ils traversent l’histoire du Japon, depuis la mise en place d’une politique d’isolement volontaire appelée sakoku jusqu’au début d’une politique de modernisation du Japon.
On trouve aussi beaucoup d’auteurs du mouvement artistique japonais de l’époque Edo : le Ukiyo-e (qui signifie image du monde flottant) comme Ogata Kōrin (1658-1716), Andō Hiroshige (1797-1858) ou encore Katsushika Hokusai (1760-1849). La peinture narrative est originale et les estampes sont gravées sur bois. Même si l’on ne comprend pas le japonais, il est possible d’admirer la calligraphie ainsi que les images traditionnelles de ces époques.
De surcroît, on trouve des volumes tels que One Hundred Views of Mt. Fuji de Hokuasai ou encore Thirty-Six Popular Actors de Utagawa Toyokuni. Les centaines de librettos de théâtre (un style traditionnel du théâtre japonais), de la collection de l’artiste et designer Kōetsu sont aussi disponibles.
  La Freer|Sacker Library ainsi que la gallerie Arthur M. Sackler composent le musée national d’art asiatique de la Smithsonian Institution.
Via le Blog de la Freer|Sacker Library, Open Culture

Pourquoi les Budo japonais sont-ils si bien implantés en Europe ?




Avant de s'attaquer au cœur du sujet, il me parait très important de rappeler que dans la culture populaire, la juxtaposition du mot Art et de l'adjectif martial (de Mars, dieu de la guerre : qui dénote une attitude belliqueuse) est souvent faite afin de décrire spécifiquement et séparer les systèmes de combat orientaux, en particulier japonais de ceux issus d'autres pays. On peut bien évidemment se questionner sur la pertinence d'un tel choix sur les raisons ayant conduit à l'utilisation d'une telle expression puisque l'Occident lui-même n'a jamais été en reste en ce qui concerne les techniques guerrières. Les nations européennes à géographie variable ont de tout temps été en conflit les unes avec les autres, et ce, jusqu'à très récemment. Pourtant, malgré cet héritage et les efforts de quelques groupes d'amateurs, il est beaucoup plus rare de voir des individus passer leur weekend à manœuvrer de lourdes épées à deux mains sous des armures de plates que des pratiquants nu-pieds en pyjamas blancs. L'aspect récréatif des disciplines guerrières occidentales existe pourtant lui aussi depuis des lustres avec en particulier les fameux lutteurs grecs et les jeux de l'Olympe.
Quoi de neuf sous le soleil donc ? Pourquoi, dans ce contexte martial déjà fourni, a-t-on vu se développer une soif aussi intarissable pour les disciplines martiales extrême-orientales ?
A mon avis, il faut en fait chercher la raison non pas dans les points communs entre les disciplines, mais bien dans ce que les pratiques martiales japonaises avaient d'inédit par rapport aux autres. Évidemment, c'est bien de leur part morale/religieuse intrinsèque dont je veux parler et le fait que dans ces disciplines, elle est intimement liée à l'aspect purement physique, comme les deux côtés d'une même pièce. La différence marqua d'autant plus les Occidentaux que jusque-là, même les deux ennemis jurés, Science et superstition religieuse s'entendaient au moins (mais pour des raisons différentes) sur le fait que corps et esprit étaient totalement distincts. Ces qualités intrinsèques des Budo aux yeux des Occidentaux leur ont donc fait mériter la qualification d'Art.
D'un point de vue purement physique à présent, on peut également citer la part de répétition chorégraphiée (kata, 型) et l'absence de compétitions qui font que l'on différenciera les « Arts martiaux » des « disciplines » martiales ou des « sports » martiaux.
Il est en outre intéressant de noter que ces pratiques qui sont plusieurs fois centenaires n'ont été introduites en Europe que très tardivement, bien après que les premiers contacts commerciaux et politiques entre l'Europe et le pays du soleil levant aient commencé. À mon sens, ceci est peut-être dû à deux principaux facteurs. L'un est le protectionnisme évident des Japonais vis-à-vis de leurs « secrets », en particulier guerriers. Même au sein du Japon, la transmission des techniques de guerre secrètes au sein des koryu (古流) se faisait de façon extrêmement sélective et stricte. Je tiens cependant à noter que le sujet qui nous intéresse aujourd'hui est bien la diffusion des budo et pas la transmission ou non des koryu. L'autre raison, à mon avis encore plus importante, est que pendant tout ce temps, les Occidentaux n'étaient peut-être pas « prêts » à recevoir l'enseignement proposé ou bien n'y voyaient pas l'intérêt que nous et nos contemporains, y portons.
De nos jours, en temps de paix, la recherche est différente, l'efficacité est secondaire et le façonnage de l'homme est plus important que celle de ses techniques de survie. Ceci est étonnamment proche avec ce qui s'est passé au Japon au lorsque le Bakufu (幕府) des Tokugawa (徳川, 1603-1867) assurait une relative stabilité et la paix dans tout le Japon.
N'ayant plus à être applicables uniquement sur le champ de bataille, mais dans des situations plus variées (en duels, à la cour, etc.), les arts martiaux purent donc se diversifier et s'enrichir. Pour des raisons de caste et de stricte étiquette, les Samouraïs (侍), qui n'avaient plus à se battre en ces temps de paix, n'étaient pourtant pas autorisés à exercer un autre métier que celui de la guerre. Au même titre qu'en Grèce bien avant ou à la Renaissance en Europe, la réflexion des Bushis (武士) est née de l'oisiveté engendrée par leur charge. La brutalité put faire place au raffinement et l'efficacité martiale au développement personnel. A titre d'exemple, Yamamoto Tsunetomo (山本 常朝), l'auteur du livre de référence sur le Bushido (武士道): Hagakure (葉隠) compilé entre 1709 et 1716 ne s'est très probablement jamais trouvé sur un champ de bataille.
Une question importante : peut-on pourtant appliquer ce parallèle à notre situation en Europe au moment où les arts martiaux japonais s'implantèrent ? Je le pense évidemment. Chez nous, à une époque où les canons et les avions avaient remplacé les sabres et les chevaux, et après une guerre mondiale où tous s'étaient accordés à dire « plus jamais ça », la voie était donc devenue libre pour que le message des Budo passe sans plus trop souffrir trop de leur encombrant carcan martial. On ne se préparait donc plus à la guerre, mais bien à la paix. On cherchait à devenir un être meilleur, plus juste, via l'exécution et le polissage inlassable de techniques de combats codifiées et qui pour beaucoup, n'avaient pas subi l'épreuve pratique du champ de bataille depuis bien longtemps. L'engouement fut total.

Si l'on veut remonter au plus loin dans l'implantation des Budo (武道) en Europe, il faut s'attarder sur un des plus célèbres personnages de son temps et qui s'illustra à plusieurs reprises par son utilisation de techniques de combat « exotiques » et « justes » face à des rufians sans foi ni loi. Je veux bien sûr parler du grand Sherlock Holmes et de son Bartitsu (Écrit « baritsu » dans le livre, un art martial qui sauva maintes fois Holmes et de la façon la plus notable lorsqu'il eut à faire face à son ennemi juré, le professeur James Moriarty dans « The Final Problem »). Sir Arthur Conan Doyle, le créateur de Holmes, avait en fait été en contact avec un certain Edward William Barton-Wright, un ingénieur Anglais qui avait passé trois ans au Japon et était retourné en Angleterre en annonçant la création d'un nouvel art d'auto défense, ceci dès 1898. Il fut sans doute le tout premier occidental à enseigner un art martial en Europe. Son approche était révolutionnaire et consistait en un mélange total des genres et des disciplines et il fut le tout premier organisateur de combats de « mixed martial arts », ce qui le fit précéder Bruce Lee et son Jeet Kune Do ainsi que la famille Gracie de bien 70 ans. Après le travail de quelques pionniers comme Barton-Wright, ce fut au tour d'instructeurs japonais de venir en Europe pour enseigner. De façon encore plus significative, ce sont les systèmes grandement influencés par la pratique des arts martiaux japonais créés par des instructeurs tels que Bill Underwood et William Fairbairn qui deviendront les bases du « close-combat » et qui seront pratiqués par la majeure partie des armées occidentales à partir de la Seconde Guerre mondiale et durant tout le 20e siècle.
Documentaire sur le Bartitsu
C'est ce nouveau pragmatisme qui fut instrumental à la diffusion incroyable des arts martiaux Japonais en Europe alors que les formes locales telles que la boxe, l'escrime, la canne ou la savate avaient depuis longtemps déserté les rues aux profits des salons mondains en devenant des sports, cette activité récente développée au sein de l'élite sociale de l'Angleterre industrielle du XIXe siècle et sensée être bénéfique pour le corps. La grosse différence entre le sport antique et ce sport moderne tenait à la notion de « record ». Philippe Lyotard, un historien de l'université de Montpellier dit à ce sujet : « Il y a une coupure très nette entre le sport moderne et le sport antique : c'est la notion de record (et donc de performance). Le record et la performance expriment une vision du monde qui est profondément différente entre les Grecs et les modernes. La culture du corps est différente. Pour les Grecs, cette culture est rituelle, culturelle, d'inspiration religieuse, pour les modernes, le corps est une machine de rendement. » Nous voici donc précisément sur le point le plus important en ce qui concerne ce que les arts martiaux avaient à proposer.

On pourrait même finalement presque parler d'un « retour aux sources » du sport antique via le truchement d'une discipline étrangère. Évidemment, en plus de l'attirance purement physique, c'est le côté « gentleman » des combattants de l'époque qui a été séduit par le message un brin nombriliste de perfection et de recherche de soi des arts martiaux japonais. L'artiste martial est donc axé sur sa propre personne et cet égocentrisme qui n'est pas nouveau est toujours autant d'actualité, la lecture de ce blog et de celui de mes collègues ne laissera aucun doute à ce sujet. L'esprit chagrin pourra donc remarquer qu'en Arts martiaux tout comme en sport, on s'écharpait donc toujours joyeusement, car l'efficacité était au centre de la recherche, mais cette fois, on le faisait tout en se regardant le nombril...
On l'a donc vu, les deux aspects dualistes des arts martiaux Japonais, l'efficacité martiale et la volonté de devenir meilleur trouvèrent des échos très rapidement en Occident, la machine était lancée et une nouvelle industrie créée. Au-delà des bénéfices de la pratique de telles disciplines, leur exotisme achèvera d'attirer l'attention des foules. C'est d'ailleurs à cette époque que les premiers récits au sujet de l'extrême orient font vibrer les foules avec en particulier les travaux d'écrivains expatriés tels que l'Irlandais Lafcadio Hearn ou Arthur May Knapp. C'est donc peu surprenant de constater l'expansion des arts martiaux japonais à une époque ou c'est l'occident tout entier qui s'enthousiasme pour l'Orient.
La différence entre Budo et sport est donc clairement établie, mais comme souvent, on va s'apercevoir que tout n'est pas si simple. Effectivement, un autre phénomène à ne surtout pas laisser de côté est l'orientation progressive du Budo vers le « sport » dans sa définition moderne. Ce « glissement » est d'ailleurs vertement critiqué par les aficionados de techniques « ancestrales ». La critique est bien entendu fondée, mais il ne faut tout de même pas oublier que c'est cette mutation qui a permis la diffusion des arts martiaux comme le Karaté et le Judo pour ne citer que ces deux-là. On fustige bien souvent « la culture de masse » et le « pratiquant lambda » en oubliant volontiers que l'extrême majorité d'entre nous est composée de pratiquants lambda qui n'auraient jamais mis un pied sur un tatami si le phénomène que nous renions n'avait pas eu lieu. N'en déplaise à ceux qui nourrissent des fantasmes guerriers et se croient supérieurs aux autres pratiquants qu'ils qualifient donc de « lambda », nous sommes, à très peu d'exceptions près, tous des guerriers du dimanche. C'est d'autant plus marquant que les grands budoka eux-mêmes sont allés dans cette direction. La relation entre Jigoro Kano et le baron de Coubertin (voir la lettre) est un exemple flagrant, le premier allant même jusqu'à modifier les règles du randori en 1909 après une rencontre avec le baron, très vraisemblablement dans le but de faire entrer le Judo au sein des disciplines olympiques. Le maître Ueshiba lui-même a bien adopté ensuite le système de ceintures développé par Kano.
Je souhaiterais terminer par un aspect que l'on pourrait avoir tendance à oublier ou occulter : le message religieux des arts martiaux. Qu'ils soient baignés dans le Shintoïsme, le Bouddhisme ou le Zen, tous les arts martiaux japonais ont en commun ce message moral et religieux. À une époque où les religions monothéistes déclinent en Europe, il est donc logique que les gens cherchent des réponses ailleurs à leurs questions existentielles et métaphysiques. Puisque l'homme semble avoir des difficultés à se créditer lui-même d'une moralité intrinsèque (pourtant totalement involontaire et explicable en termes de bénéfices évolutionnaires), il a fallu qu'il remplace les règles imposées par les religions par autre chose, probablement de peur que la bête en lui ne se déchaîne en l'absence de chaînes dogmatiques. L'un de ces ersatz est l'idéal du Bushido. Cela dit, on peut considérer comme un grand progrès moral le fait que dans les arts martiaux japonais, ce n'est pas une peur de la punition divine qui pousse un individu à être bon, mais bien un désir d'harmonie émanant de l'individu lui-même. Étrangement, on voit à présent l'apparition de nouveaux systèmes de combats se sentant obligés de se donner une respectabilité via la religion. Je me souviens encore de l'expression employée par Mikhail Ryabko (un des grands promoteurs du Systema) disant : « Il n'y a pas d'athées dans les tranchées ». L'influence du Catholicisme dans le Systema est évidente, en particulier si l'on s'approche des instructeurs vivant toujours à l'Est. La religion est-elle nécessaire pour apprécier le Systema ? Je ne le pense pas. Je ne crois pas non plus que monsieur Ryabko soit le genre d'individu qui prône à tendre l'autre joue. Mais ceci est un tout autre débat que je traiterai plus tard...
Pour conclure, je tiens à souligner que même si les arts martiaux sont arrivés relativement tardivement en occident et ont réussi à l'influencer de façon significative, on peut dire que le contraire est vrai également. Le développement des budos vers la moitié du 20e siècle a achevé la mutation des arts martiaux vers une pratique plus accessible, plus universelle et aussi plus riche mentalement au-delà du bagage technique. Pourtant, il est très possible que l'ouest ait influencé l'est sans le savoir, car il est évident que des gens comme les maîtres Ueshiba, Funakoshi et Kano ont été influencés, entre autres, par la pensée humaniste occidentale et la vision moderne du sport lors de la création de leurs disciplines. C'est peut être pourquoi le message d'arts martiaux comme l'Aikido nous semble si pertinent à nous Occidentaux et résonne chez nous peut être même plus fort que dans son pays d'origine. Enfin, même si les arts martiaux japonais ont fait office de précurseurs à la nouvelle recherche martiale occidentale, c'est aujourd'hui de nombreuses disciplines provenant de bien des pays différents qui déferlent sur l'Occident (Kung Fu, Taekwondo, Viet vo dao etc.). Il sera, je pense, très intéressant de voir comment les arts martiaux évoluent dans les décennies à venir maintenant que le meilleur de l'ouest et de l'est peut être mis dans le même creuset. Lors de cette évolution, on perdra peut-être un peu de technique, ou de pureté mais je pense sincèrement que le bénéfice pour l'homme en vaudra la peine.


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