Onna-bugeisha, les femmes japonaises pouvaient aussi être samouraïs !



onnabuL'image que l'on a de la femme japonaise est souvent la même : une silhouette élégante, enveloppée dans un kimono épais qui l'oblige à marcher à tout petit pas. Un visage de nacre, entièrement recouvert de blanc à l'exception des lèvres peintes dans un rouge vif et des yeux cernés de charbon noir qui intensifie le regard et donne à l'ensemble une aura quasi-divine. On imagine une geisha raffinée qui sert le thé, joue du koto, fait la conversation ou une femme au foyer qui s'occupe des enfants, attend sagement son mari et lui sert le repas lorsqu'il rentre d'une journée de travail épuisante.

Comme dans beaucoup d'autres sociétés, la femme japonaise a très peu eu l'occasion de se démarquer des hommes. Reléguées au second plan des livres d'histoire, dévalorisées, la femme japonaise ne semble avoir d'autres choix que de briller d'un faible éclat dans l'ombre des hommes qui se glorifient au travers des images de faits de guerre ou autres aventures trépidantes.
Pourtant, une poignée de femmes a fait fi de leur genre et a pris les armes. Au Japon, elles sont bien connues, mais en occident on entend rarement parler d'elles. Il est temps de combler cet injuste oubli de l'histoire japonaise que sont les onna-bugeisha.  

Les onna-bugeisha : armes et talents  

Les onna-bugeisha étaient entraînées pour utiliser le naginata, une arme iconique de cette période. La version du naginata utilisée par les femmes guerrières était connue sous le nom de "ko-naginata", un peu plus petit que le "o-naginata" utilisé par les hommes. Elles utilisaient aussi des kaiken, un petit sabre qui ressemble fortement à un couteau ou une dague.
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Naginata
Habituellement, le kaiken était utilisé pour se défendre dans des endroits étroits et confinés où les mouvements de la guerrière sont limités, mais aussi en cas de suicide. Il était traditionnel qu'une onna-bugeisha porte toujours un kaiken sur elle lorsqu'elle se déplaçait en compagnie de son mari. 

Kaiken
En terme de technique, les femmes samouraï maîtrisaient le Tantôjutsu, un art martial auquel elles s'entraînaient depuis leur plus jeune âge et qui existe toujours aujourd'hui.
On attendait des onna-bugeisha qu'elles soient capables de défendre le foyer et la famille des jours durant s'il le fallait, c'était leur rôle principal. Leur entraînement leur permettait donc de se battre sans relâche pour remplir leur devoir.  

Le début des onna-bugeisha

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Impératrice Jingu
La première onna-bugeisha connue serait l'impératrice Jingu. Après avoir provoqué des changements économiques et sociaux dans la société japonaise, elle aurait conduit l'invasion de la Corée vers l'an 200 auprès de son mari l'empereur Chuai. La légende raconte qu'elle aurait conquis la Corée sans verser une goutte de sang. Il est tout de même important de noter que son existence est sujet à controverses, néanmoins, ce sera la première femme à figurer sur un billet de banque japonais en 1881 !

Tomoe Gozen
Entre 1180 et 1185, le Japon était déchiré par une guerre intestine qui opposait les deux grands clans de Minamoto et Taira : la guerre Genpei. Celle-ci se termina par une victoire du clan Minamoto et marqua le début de l'ère Kamakura. Cette guerre est contée dans le célèbre ouvrage de la littérature classique japonaise : le Heike monogatari. Dans ce dernier, on nous raconte l'histoire de Tomoe Gozen, une très célèbre onna-bugeisha. 
Elle était décrite comme étant dotée d'une intelligence, d'une beauté et d'un talent incomparable. Maniant l'arc avec talent, c'était une très bonne cavalière, une excellente politicienne et elle maîtrisait également le Katana à la perfection. Son habileté au combat faisait d'elle l'égale des plus grands samouraïs hommes de son temps et ses prouesses en tant que général étaient reconnues à travers tout le Japon. Le maître du clan Minamoto disait même d'elle que c'était le premier vrai général du Japon.
Tomoe Gozen s'est illustrée au combat de nombreuses fois. Elle aurait guidé une armée de seulement 300 samouraïs contre 2000 guerriers et fut l'une des cinq derniers survivants de la bataille. En 1184, durant la bataille d'Awazu, elle décapita un célèbre guerrier du clan Musashi, Honda no Moroshige, après avoir remporté la victoire.
Elle aurait également fondé sa propre école pour apprendre aux femmes à se battre. Même si son sort durant la bataille d'Awazu reste flou, l'histoire de Tomoe Gozen a traversé les âges et reste célèbre encore aujourd'hui. Elle est devenue un véritable phénomène culturel et est le symbole de la force des femmes samouraïs.
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Hangaku Gozen
En 1201, une autre femme samouraï s'est faite une bonne place dans l'Histoire japonaise : Hangaku Gozen, une belle et talentueuse commandante qui dirigea une armée de 3000 hommes pour défendre le fort de Torisakayama avec son neveu Jo Sukemori. Malheureusement pour eux, le camp d'en face, Hojo, les dépassait largement en nombre, puisqu'il était fort de 10 000 hommes. A dos de cheval et armée de son ko-naginata, Hangaku fut blessée durant la bataille, mais sa férocité impressionna tant ses adversaires que nombre d'entre eux la demandèrent en mariage. 
tomoe
Entre le 15ème et le 17ème siècle, durant la période Sengoku, l'image de la femme samouraï changea considérablement. En fait, c'est le statut entier de la femme qui changea à cette période du fait de la philosophie Néo-Confucianiste. Durant ce temps, les femmes samouraïs étaient le plus souvent les épouses ou les filles de nobles guerriers ou généraux. Mais ces hommes étaient devenus de simples bureaucrates et les femmes de ces nobles familles subissaient de sévères restrictions.
Pour faire court, durant ces deux siècles, la femme n'avait pas plus d'autorité ni de droits qu'un petit enfant. Elles devaient une obéissance et une dévotion totale à leur époux et ne pas hésiter à se sacrifier pour l'honneur de la famille. 

La fin du Shogunat et les dernières onna-bugeisha 

Cependant, au milieu du 17ème siècle, la situation changea de nouveau pour les femmes guerrières. Avec la venue du Shogunat Tokugawa, on trouva de nouveau utile d'armer et d'entraîner les femmes au combat. Des écoles de maniement du naginata pour femmes ouvrirent dans tout l'Empire et le nombre de femmes en capacité de combattre augmenta considérablement ! 
Durant une courte période, les femmes devinrent les gardiennes de leurs villages, les protégeant au prix de leur vie. Ces femmes guerrières se déplaçaient en bande et s'occupaient des menaces elles-même, loin de la domination des hommes de ces derniers siècles. Vers le 18ème siècle, le clan Tokugawa s'opposa à l'Empereur. En réponse à cette menace, un corps d'armée de femmes fut créé et c'est Nakano Takeko qui en prit le commandement. 
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Nakano Takeko
Très intelligente, et douée au maniement du ko-naginata, Nakano Takeko est donc choisie pour être le leader de l'armée de femmes que l'on nommait Joshitai. Son armée était indépendante des autres, mais devaient joindre celle des samouraïs hommes durant la bataille d'Aizu (sans se mélanger car il était hors de question de mêler les hommes et les femmes au combat). Nakano Takeko fut malheureusement tuée au combat, touchée en plein cœur, mais elle eut tout de même le temps de tuer un nombre considérable d'adversaires avec son ko-naginata.
Juste avant de mourir, la femme guerrière demanda à sa soeur, Nakano Yuko de la décapiter afin que l'ennemi ne se serve pas d'elle comme d'un trophée. Sa tête fut enterrée dans les racines d'un pin au temple Aizu Bangemachi où un monument a été érigé en son honneur.
Cette bataille qui a marqué le début de l'ère Meiji sonna la fin du Shogunat, mais aussi celui des onna-bugeisha ! 
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Si la société japonaise semble assez en retard sur le sujet de l'émancipation de la femme, l'Histoire nous rappelle tout de même que l'univers des samouraïs n'était pas seulement réservé aux hommes ! Aujourd'hui, ces onna-bugeisha sont devenues le symbole de la place qu'occupait la femme japonaise jadis. Les onna-bugeisha inspirèrent également de nombreux artistes de la pop culture japonaise. On peut citer par exemple la Princesse Mononoké, mais aussi la plupart des personnages féminins de l'univers d'Hayao Miyazaki qui sont souvent forts et indépendants comme l'étaient ces femmes guerrières inspirantes. 

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